Place for archiving, researching and transmitting born in 1994 that explores Land Art both in historical, critical and prospective perspective. It is aimed at “an audience as wide as possible” (Gerry Schum)
Founded by Marc de Verneuil (architect, critic)

Lieu d'archivage, de recherche et de transmission né en 1994 qui explore le Land Art dans une perspective aussi bien historique, critique que prospective. Il s’adresse à «un public aussi large que possible» (Gerry Schum)
Fondé par Marc de Verneuil (architecte, critique)


« Le Land Art est une pure fiction ; voilà pourquoi nous l'observons »
Land Art is purely fictional; that is why we observe it” (OBSART)








samedi 3 mars 2012

Rocher de poussière | Rock of dust (2006)


Rock of dust

At times, derisory gestures make people smile, or laugh perhaps. This has never been the case for me. Otherwise, Prince Myshkin, in his struggles, would be nothing other than a comedian, as some of his entourage were tempted to think. Nevertheless, we here touch upon a very sensitive point in the work of Régis Perray. For example, it cannot be seen as a simple quirk of fate that his fellow artist from Nantes, Pierrick Sorin, has always shown a keen interest in the work of the young Perray. I have, on many an occasion, insisted on the tragic, if not profoundly absurd, nature of Sorin’s films, which cannot be reduced to the mere burlesque. Indeed, the reference to Camus, and The Stranger in particular, springs to mind. Whether comic or not, burlesque or tragic, these alternatives are unfounded. It is in the ambivalence, in the tipping zones between these categories, that the interest is produced. What counts is the intense feeling of life that emanates from the gestures and situations on display, and every spectator is free to judge them on merit. As far as Régis Perray is concerned, I believe that naivety is not so much in his work itself, but rather in the propensity to find it naïve.
The absurd, Camus showed, can be seen by Sisyphus exhausting himself pushing the ever-descending rock up the hill. In this effort without end we have the image of the human condition, an infinite reiteration. On a similar basis, in Perray’s work we often come across another gesture, not so far removed from the action of cleaning, namely: the action of moving. Cleaning is also in effect the moving away of that which is not desired. The artist did so by removing rubbish from the old Jewish cemetery in Lublin or from around the Gizeh pyramids. But the gesture can take on much more important proportions. In order to prepare the moving of the dune of Pilat and the archaeological digs at Saqqara, Régis Perray trained himself in the context of a collective exhibition in 2000, at the Confort Moderne in Poitiers (Centre d’entraînement pour retourner au Pilat et à Saqqara) [Training centre for the return to Pilat and Saqqara]. Armed with a spade and two buckets, he undertook the task of transporting 30 metric tonnes of sand from outside to inside the arts centre, then from one room to the other, amidst the works by the other artists on show. The undertaking lasted 45 days, seven hours a day. A task, which in the cold light of reality could be considered absurd, suddenly embodies the notion of the absolute when placed in the context of art. A kind of ‘readymade’ in reverse. The experiment without end becomes a pure action, both a metaphor of art and a performance within itself, almost a gesture that creates its own frame. From this perspective, the duration of the action becomes the very image of time, and time becomes the image. What counts, above all, is time. Time spent, the time of art superimposed on the time of life, time repeating itself, like a ritual, forevermore. It is an act therefore, perhaps an act of senseless love (“To love is to act” wrote Victor Hugo at the end of Things Seen). There can be no doubt: “We must imagine Sisyphus happy”.

Jean-Marc Huitorel
English translation : Tony Coates / source
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340 grammes déplacés... during Levitated Mass by Michael Heizer

340 tons | first steps - premiers pas
340 grammes | first steps - premiers pas

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Rocher de poussière

Il est arrivé que ces gestes dérisoires prêtent à sourire, à rire parfois. Cela ne m'a personnellement jamais effleuré. Ou bien alors le prince Mychkine serait lui aussi et à son corps défendant un comique, ce qu'au fond pensaient certaines personnes de son entourage. Il n'en reste pas moins que cela touche un point très sensible dans l'œuvre de Perray. Par exemple, il convient de ne pas voir comme un simple effet du hasard et du voisinage nantais le fait que Pierrick Sorin se soit toujours montré attentif au travail de son jeune confrère. J'ai eu à maintes reprises l'occasion d'insister sur la dimension sinon tragique au moins profondément emprunte d'un absurde qui ne se réduirait pas au burlesque, des films de Sorin ; et déjà la référence à Camus, celui de L'étranger, me semblait s'imposer. Comique ou pas, burlesque ou tragique, ce sont finalement de fausses alternatives. C'est l'ambivalence, les zones de bascule que cela crée, qui sont intéressantes et productives. Seul compte l'intense sentiment de vie qui se dégage de gestes et de situations qu'on laissera chacun libre de juger. Concernant Régis Perray, je crois quant à moi que la naïveté réside moins dans son travail que dans la propension à le trouver naïf. L'absurde, Camus l'a montré, c'est Sisyphe s'épuisant à remonter un rocher qui, toujours, redescend. C'est l'effort sans finalité, c'est l'image de la condition humaine, l'infinie réitération. À ce sujet, un autre geste, chez Perray - mais est-il bien différent de celui de nettoyer ? - consiste à déplacer. Nettoyer, c'est aussi déplacer ce qui encombre, comme il le fait des détritus dans le vieux cimetière juif de Lublin ou autour des pyramides de Gizeh ; mais cela peut également prendre des proportions infiniment plus importantes. Afin de préparer le déplacement de la dune du Pilat et des fouilles archéologiques à Saqqara, Régis Perray s'est entraîné dans le cadre d'une exposition collective, en 2000, au Confort Moderne à Poitiers (Centre d'entraînement pour retourner au Pilat et à Saqqara). Il s'agissait pour lui, muni d'une pelle et de deux seaux, de transvaser 30 tonnes de sable de l'extérieur vers l'intérieur du centre d'art, puis d'une pièce à l'autre, à travers les œuvres des autres artistes exposés. L'affaire prit 45 jours à raison de 7 heures par jours. Ce qui, au cœur du réel, pouvait relever de l'absurde, devient geste absolu dès qu'il se déplace dans le contexte de l'art, une sorte de ready made à l'envers. L'expérience sans finalité devient action pure, à la fois métaphore de l'art et acte strictement performatif, geste en effet, quasiment encadré. Dans cette perspective, la durée devient l'image même du temps, le temps comme image. Car ce qui compte, par-dessus tout, c'est le temps, le temps passé là, le temps de l'art se superposant au temps de la vie, le temps infiniment répété, comme dans tout rituel, comme toujours. Et c'est alors un acte, peut-être un acte d'amour insensé ("Aimer c'est agir" écrivait Victor Hugo à la fin de Choses vues). Pas de doute : "Il faut imaginer Sisyphe heureux".


Jean-Marc Huitorel

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